Des centaines de milliers de microbilles de la taille de lentilles ont recouvert des plages de Galice, des Asturies et de la Cantabrie après la perte de 6 conteneurs de GPI par un navire marchand, le 8 décembre, au large du Portugal. Les guillemots, les macareux, les pingouins torda, les fous de Bassan, les cormorans ou les puffins, ainsi que les oiseaux limicoles dépendant des plages et zones côtières comme les gravelots, les huîtriers ou les courlis, sont quelques-unes des espèces les plus menacées par cette pollution.
Cette fuite risque d’affecter plus particulièrement les individus hivernants qui, à cette période, ont des besoins nutritionnels importants, et sont donc plus susceptibles d’ingérer des GPI, qu’ils confondent avec de la nourriture.
Le déversement de GPI continue d’inonder la côte Galicienne et de Cantabrie, formant des amas à certains endroits spécifiques et recouvrant la laisse de mer sur pratiquement tout le littoral du nord de la péninsule ibérique. « L’accident s’est produit dans une zone récemment intégrée au réseau de protection Natura 2000. Cette pollution contamine cet espace reconnu comme un couloir migratoire entre la Galice et la Cantabrie occidental, un facteur aggravant pour cette catastrophe environnementale ».
Notre partenaire du projet LIFE SeaBiL, la SEO, représentante de BIRDLIFE en Espagne, se dit particulièrement préoccupé par cette pollution. Ces derniers sont en communication continue avec les autorités locales, les administrations publiques et les agents environnementaux pour garantir que les opérations de collecte de déchets soient correctement effectuées, de manière coordonnée et responsable. D’une part, afin d’éviter un impact négatif sur la biodiversité des plages (certaines étant situées dans des espaces naturels très sensibles) et d’autre part, pour qu’ils puissent être collectés dans le respect des protocoles nécessaires à l’enquête du ministère public de l’Environnement. Compte tenu de la gravité de la situation, la SEO conseille donc de se joindre aux collectes organisées en coordination avec les administrations, d’appeler le 112 en cas de découverte de nouvelles zones touchées et de signaler la découverte d’oiseaux échoués et d’autres animaux marins via l’application mobile ICAO.
Une des zones les plus sensibles de la région est la Réserve Ornithologique d’O Grove, la première créée en Galice et la seule comprenant une réserve marine de 7 534 hectares. Ce site unique dans les Rías Baixas, géré par SEO/BirdLife, est fréquenté par plus de 13 000 oiseaux de 220 espèces différentes, résidents et hivernants. On y retrouve l’échasse blanche, l’huîtrier-pie, le bécasseau Sanderling, le courlis cendré, les canards siffleurs et fuligules, le guillemot de Brünnich, la mouette tridactyle et l’espèce marine la plus menacée d’Europe : le puffin des Baléares.
La partie émergée de l’iceberg
Cette catastrophe est une preuve supplémentaire que la pollution plastique représente une pression énorme sur la biodiversité. Parmi les espèces confrontées à cette menace, on trouve les puffins, le guillemot, le cormoran huppé, le guillemot de Troïl, les mouettes ou le martin-pêcheur. Les blessures (et la mortalité) résultant la pollution plastique, que ce soit par l’ingestion ou l’entremêlement sont de plus en plus fréquentes chez les oiseaux marins. Sans pouvoir être précis, on estime que l’ingestion de microplastiques touche près de 90% des oiseaux marins et affecte des oiseaux de tous les milieux, avec notamment de fortes conséquences sur leurs systèmes endocriniens et digestifs. L’ONU qualifie aujourd’hui la pollution plastique de « crise mondiale », et ces déchets s’intègrent dans l’environnement fossile de la Terre, marquant de leur empreinte l’ère de l’anthropocène. Malgré les initiatives et les efforts actuels pour retirer le plastique des océans, on estime que la quantité s’y trouvant actuellement entre 75 et 199 millions de tonnes.
Oiseaux marins et plastiques
L’impact du plastique sur les êtres vivants se manifeste à différents niveaux (appelé « plasticose »). Les macro plastiques, de plus grande taille, peuvent provoquer des enchevêtrements chez divers organismes marins, affectant aussi bien les invertébrés que les poissons, les tortues, les mammifères et les oiseaux. Mais ils peuvent aussi être ingérés, soit parce qu’ils sont confondus avec de la nourriture, soit par l’ingestion de proies contaminées, provoquant l’asphyxie ou une sensation de satiété entraînant la mort de l’individu ne se nourrissant alors plus. À cela s’ajoute le nombre croissant des microplastiques, qui peuvent atteindre le milieu marin directement (comme le montre ce déversement ponctuel) ou par fragmentation des plastiques de plus grande taille. L’impact de ces microplastiques est encore peu connu, mais leur ingestion en grandes quantités par des animaux crée une fausse sensation de satiété pouvant conduire l’animal à la famine. Ils peuvent également être absorbés par le biais du tractus intestinal, provoquant des lésions dans les tissus internes, tout en véhiculant des contaminants chimiques ou biologiques (virus et bactéries), qui s’accrochent facilement à cette matière. Récemment, une étude publiée dans Nature Communications, à laquelle la SEO/BirdLife a participé, démontre que le risque d’exposition aux microplastiques chez les procellariiformes (puffins, pétrels) est beaucoup plus élevé pour les espèces les plus menacées.
Le projet LIFE SeaBiL a vocation à alerter sur ces problématiques. En France, Espagne et au Portugal, nous cherchons à mieux comprendre les sources et impacts de la pollution plastique et à sensibiliser la population. L’un des objectifs du projet est de coordonner la collecte de cadavres d’oiseaux marins afin de les nécropsier pour analyser leurs contenus stomacaux. Cette étude menée dans le cadre du projet nous permettra de mieux comprendre les impacts de la pollution plastique sur les oiseaux marins.